La concurrence, souvent assimilée à une rivalité impitoyable, constitue en réalité un puissant ferment d’amélioration personnelle. Selon Friedrich Nietzsche, l’homme s’accomplit véritablement dans la confrontation avec l’adversité, car c’est dans cet effort qu’il transcende ses limites et actualise son potentiel créateur. Placé face à des compétiteurs aguerris, l’individu est sommé de transcender ses capacités, d’affiner ses savoir-faire et de raffiner ses approches. Schumpeter, dans sa théorie de la « destruction créatrice », souligne également que les défis imposés par la concurrence sont souvent à l’origine d’innovations révolutionnaires. À titre illustratif, l’entrepreneur confronté à un environnement hautement compétitif se voit contraint d’innover et de proposer des solutions ingénieuses, transformant ainsi la contrainte en tremplin créatif. En l’absence de cette confrontation, l’être humain, comme le remarquait déjà Alexis de Tocqueville, risque de sombrer dans une inertie léthargique, incompatible avec l’épanouissement authentique et le progrès social.

Sur le plan sociétal, la concurrence agit tel un stimulateur de progrès et un creuset d’innovations. Adam Smith, père de l’économie moderne, voyait dans la « main invisible » du marché une dynamique où la recherche de l’intérêt personnel sous l’effet de la concurrence finit par servir le bien commun. Les avancées majeures qui jalonnent l’histoire de l’humanité, qu’elles soient scientifiques, technologiques ou artistiques, sont souvent nées dans un contexte d’émulation intense. Michel Crozier, dans ses travaux sur la société bloquée, ajoute que la concurrence incite les institutions à se réinventer en répondant mieux aux attentes d’une communauté en constante évolution. Dans les économies de marché, elle garantit une diversité d’offres et une qualité accrue, assurant ainsi des bénéfices tangibles pour les consommateurs. En définitive, la concurrence dépasse le cadre de la simple opposition pour s’ériger en une synergie constructive, bénéfique à l’ensemble du corps social.

Toutefois, pour que la concurrence déploie ses vertus, elle doit s’inscrire dans les balises de l’équité et de l’éthique. John Rawls, dans A Theory of Justice, insiste sur l’importance de créer des mécanismes qui assurent une équité fondamentale, même dans des systèmes compétitifs. Lorsqu’elle bascule dans l’excès ou l’iniquité, elle engendre des dysfonctionnements délétères, nourrissant frustrations et inégalités. La véritable sagesse réside dans l’instauration d’un cadre normatif où cette rivalité féconde s’exprime sans sombrer dans la prédation. Ainsi régulée, la concurrence devient non seulement un levier d’excellence individuelle, mais aussi une pierre angulaire du développement harmonieux et durable des sociétés humaines.

Dr Hubert DJOGUÉ